Total : bientôt la fin de l’ère pétrolière ?

Si Total est mondialement connu pour sa production pétrolière, le géant français envisage aujourd’hui l’avenir avec un autre regard. Patrick Pouyanné, PDG de Total, a annoncé que la production de pétrole du groupe allait stagner, voire diminuer d’ici à 2030 en faveur du gaz et de l’électricité. L’or noir sera t-il si facilement remplacé ? Pas si certain…

L’année 2020 est propice au développement de la voiture électrique et la crise sanitaire que nous traversons accélère la prise de conscience des enjeux environnementaux. Le déclin du pétrole est-il imminent ? La question se pose lorsque l’homme à la tête du cinquième pétrolier mondial annonce que le pétrole n’est plus sa priorité. Alors, quelles sont les nouvelles ambitions de Total ?

Un projet ambitieux

Dans un entretien publié sur le site du Parisien, Patrick Pouyanné a expliqué que le groupe français avait l’ambition d’intégrer le Top 5 mondial des producteurs d’énergies renouvelables. L’objectif est clair : produire 20% de pétrole, 40% de gaz et 40% de renouvelable à l’horizon 2050. En comparaison, aujourd’hui Total produit 55% de pétrole, 40% de gaz et moins de 5% d’électricité renouvelable. Le patron du groupe précise “Total va donc continuer à chercher du pétrole pas cher mais on n’investira plus dans des projets trop coûteux”.

L’électricité, l’avenir de Total ?

Total accélère les investissements dans l’électricité

La société centenaire, composée de 900 filiales à travers le monde, 100 000 salariés et 16 000 stations-service, semble prendre un nouveau virage. Cependant, il n’est pas question d’abandonner de sitôt l’or noir qui enrichit la multinationale depuis des années. Le tournant a déjà été amorcé avec la filiale Total Spring qui propose du gaz et de l’électricité « verte » à des prix inférieurs de 10% par rapport aux tarifs réglementés. Selon l’entreprise, « le XXIe siècle est celui de l’électricité ». La demande en électricité ne cesse d’augmenter et Patrick Pouyanné, qui voit le marché évoluer, n’a pas l’intention de rater le coche. « On veut aller de la pompe à la prise », a lancé le PDG de Total, qui répète que « la demande de demain sera électrique ».

Le Groupe annonce avoir intégré la démarche climatique au cœur de sa stratégie en proposant des énergies de moins en moins carbonées. Face à l’évolution des usages automobiles, Total entend agir et réagir. L’entreprise a vocation à vendre de l’électricité, mais aussi à la produire. La flotte mondiale de véhicules électriques pourrait atteindre 380 millions de véhicules en 2040, contre 2 millions aujourd’hui. Autant dire que se placer sur ce marché est plus que tentant, cela est même une évidence. D’ici à 2030, le pétrolier prévoit alors d’investir chaque année un milliard d’euros dans l’électrique, puis de passer ensuite à trois milliards d’euros par an. Ces investissements se concentreront sur le renouvelable. Le PDG du groupe, qui estime pouvoir produire 85 GW d’ici 10 ans, prévoit une sortie du pétrole en 2050.

Ce que propose déjà Total

Si le patron de Total annonce un développement accru de l’électricité dans les années à venir, la société propose déjà de nombreux services :

• Dans les stations-service : un maillage dense de bornes électriques (1 000 bornes tous les 150 kilomètres en Europe de l’Ouest) ;
• Hors du réseau de stations-service : des partenariats pour mettre à disposition des bornes de recharge publiques dans toute l’Europe ;
• À domicile : des offres de recharge de véhicule électrique aux particuliers ;
• Dans le domaine du stockage : la filiale Saft s’est associée à Solvay, Manz et Siemens pour lancer un ambitieux programme de R&D et développer la batterie du futur. Ce programme ouvre la voie à une nouvelle génération de batteries lithium-ion (Li-ion).

Avec la crise sanitaire du Covid-19, les prix du pétrole ont chuté et c’est une raison de plus d’accélérer le processus vers d’autres alternatives. « Je ne m’attends pas à ce que le prix du pétrole remonte dans l’année qui vient » a déclaré Patrick Pouyanné sur RTL.

Le stockage de l’électricité : un enjeu

Il n’est pas seulement question de développer l’énergie électrique mais aussi d’optimiser son stockage. Total tient compte de cette dimension et s’y consacre d’ores et déjà. Avec sa filiale SAFT, le groupe travaille au développement des batteries haute technologie qui sont capables de lisser la production tout en limitant les pertes électriques liées au transport et à la distribution d’énergie.

Total mise sur l’énergie solaire et le gaz

Total investit notamment dans les activités de recherche et développement en énergie solaire. Depuis 2017, la participation du groupe chez EREN Renewable Energy s’élève à 1,33 milliard d’euros, et devrait en prendre le contrôle à terme. Il possède également le fabricant américain de panneaux solaires, SunPower. « Total veut se repositionner sur toute la chaîne des renouvelables », depuis la fabrication des panneaux photovoltaïques en amont avec SunPower jusqu’à la production d’électricité en aval avec EREN RE, explique Patrick Pouyanné. L’objectif serait « d’acquérir des compétences » que Total ne possède pas et proposer à ses clients « des offres complètes solaire + éolien, puisque leur intermittence n’est pas la même ». Le groupe promet d’avoir une capacité de production de 5 gigawatts dans le solaire.

Concernant le gaz, Total n’est pas en reste et n’exclut pas de racheter des centrales en France et en Europe. L’investissement dans le gaz est aussi une opportunité pour sortir du pétrole. Pour cela, le dirigeant de Total annonce des dépenses à hauteur d’un milliard chaque année. Ces dernières seraient consacrées à l’exploration de nouveaux gisements afin de développer le gaz naturel liquéfié qui serait deux fois moins polluant que le pétrole. Cette énergie émergente pourrait trouver de nombreux débouchés industriels et domestiques.

Total étudie également la possibilité de se lancer dans l’hydrogène, une autre énergie en pleine expansion dans le monde de l’automobile.

L’électrique séduit aussi les politiques

En France, le marché de l’électricité et du gaz a été ouvert à la concurrence en 2007. Une trentaine de fournisseurs s’affrontent sur chacune des deux énergies. Les énergies renouvelables ont le vent en poupe même si leur utilisation et leur production sont encore controversées. Elles séduisent à mesure qu’elles gagnent en compétitivité par rapport au gaz, au pétrole et même au nucléaire. La France, dans son plan de relance, prévoit une belle part de ses investissements pour l’électricité et l’hydrogène. Il est un enjeu national de se diriger vers les énergies alternatives. Plus largement, les autres gouvernements européens favorisent eux aussi la voiture électrique. Total s’inscrit donc dans cette dynamique. C’est également le cas de son concurrent BP qui va investir à hauteur de 5 milliards de dollars par an dans le secteur.

La question des stations-service

Ce virage énergétique dans les grandes entreprises, comme Total et BP, n’affole pas l’économie. L’action de Total a même grimpé de 3,55% après cette annonce. En revanche, se pose la question des centaines de stations-service sur le territoire. Elles sont nombreuses en ville comme sur les aires d’autoroute et, vous l’avez peut être remarqué, elles commencent à subir des transformations depuis plusieurs années. Les petites stations-service avec un guichet unique et une simple boutique ont été remplacées par des mini centres-commerciaux. Objectif : offrir des services et des distractions aux clients qui doivent patienter pendant la recharge de leur véhicule électrique.

Début 2020, le groupe pétrolier avait annoncé le déploiement de 20 000 bornes de recharge pour voiture électrique aux Pays-bas. Ses 16 000 stations devraient en être équipées en priorité. Ces points de recharge distribueront alors de l’électricité Total.