Rapport sur malus auto et vignette critair
Crédit Photo : STABOSLAW

Malus auto et vignette Crit’Air : mis à l’amende par la Cour des Comptes

La Cour des Comptes a publié les résultats de son enquête sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air menée en juillet 2020. Bilan ? Les outils d’amélioration de la qualité de l’air aujourd’hui mis en oeuvre restent insuffisants pour faire face aux enjeux sanitaires et environnementaux actuels. Voici tout ce qu’il faut savoir sur cette enquête, ses résultats et les préconisations de la Cour des Comptes.

Suite à son enquête, la Cour des Comptes recommande un renforcement des mesures réglementaires, budgétaires et fiscales. Elle suggère également une reconsidération totale du fonctionnement des dispositifs, tels que les vignettes Crit’Air et le malus. Ces derniers ne s’avèrent pas satisfaisants en matière de politique environnementale. Il conviendrait de durcir les mesures pour obtenir une politique antipollution efficace à la hauteur des enjeux environnementaux nationaux, européens et mondiaux.

1. Une enquête commanditée par la Commission des Finances du Sénat

Demandée le 21 janvier 2020 par la Commission des Finances du Sénat, l’enquête sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air a été menée en juillet 2020. Le rapport se base notamment sur les données d’émissions de polluants de l’association du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA). Opérateur d’État pour le compte du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, cet organisme à but non lucratif contribue à lutter contre la pollution atmosphérique et le changement climatique, par le calcul, l’interprétation et la communication de données d’émissions fiables.

« Alors que les risques sanitaires et environnementaux liés à la pollution de l’air sont de mieux en mieux connus, les résultats obtenus apparaissent encore insuffisants » , le ton est donné dès les premières lignes du rapport. Cette enquête met en évidence le manque d’efficacité des politiques et outils d’amélioration de la qualité de l’air au regard des enjeux sanitaires et environnementaux, ainsi que des objectifs nationaux, européens et internationaux. Elle fait suite à un précédent rapport qui était paru en 2016. La Cour des Comptes avait déjà, à l’époque, sorti un dossier très critique sur les politiques menées par la France en matière de prévention de la pollution de l’air. Elle y exposait notamment une série de douze recommandations en direction des Ministères de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.

2. La vignette Crit’Air et le malus auto épinglés

Une classification Crit’Air non adaptée

« La classification Crit’air, n’apparaît pas pertinente en ce qui concerne les véhicules Euro 5 et Euro 4 diesel pour le dioxyde d’azote », souligne le rapport. Voilà de quoi laisser perplexe quant à l’efficacité de cette mesure, mise en œuvre depuis 2017, pour circuler dans les grandes villes de France lors des pics de pollution. La classification Crit’Air permet de catégoriser les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes. L’objectif n’est pas de taxer les véhicules les plus polluants, mais de restreindre leur accès dans certaines zones, comme les centres-villes, ou lors des pics de pollution. Si l’idée de cette classification, avec une vignette à apposer sur le pare-brise, semblait séduisante, celle-ci ne serait néanmoins pas adaptée dans le cadre du renouvellement du parc automobile. « En prenant en compte les émissions réelles, un véhicule diesel classé Crit’air 2 et correspondant à la norme Euro 5 émet ainsi en réalité la même quantité d’oxydes d’azote qu’un véhicule diesel Euro 4, classé Crit’air 3″. Cette mise en exergue des anomalies liées à la classification Crit’Air en conditions réelles vient appuyer l’avis de la Ministre de la Transition Écologique, Barbara Pompili, qui émettait fin juillet des doutes sur l’efficacité du dispositif.

Un malus focalisé sur le CO2

En ce qui concerne le malus, visant à taxer les véhicules les plus polluants, la Cour des Comptes note un manque de prise en compte des critères directement liés à la pollution de l’air. Pour déterminer le montant du malus, les autorités se basent sur les émissions de CO2. Un système que la Cour des Comptes estime inefficace dans la mesure où le CO2 est « un gaz à effet de serre et non un polluant atmosphérique ». Malgré un plafond qui va être relevé à 40.000 euros l’an prochain et à 50.000 euros en 2022, il n’y a pas d’impact positif sur les émissions polluantes. Autrement dit, ce dispositif n’entraîne pas la baisse des émissions ayant un impact sur la santé.

Le filtre à particules fines pointé du doigt

La Cour des comptes épingle également le filtre à particules qui fait, lui aussi, débat. « Des études ont ainsi montré que les filtres à particules, dans la mesure où ils impliquent de mieux brûler le carburant, contribuent à émettre davantage d’oxydes d’azote. Par ailleurs, les filtres à particules ne sont efficaces qu’à partir d’une certaine température. Or, en moyenne, 40 % des trajets quotidiens effectués en voiture en ville font moins de 4 km 108. Ces courts trajets sont deux fois plus polluants qu’un trajet sur plus longue distance car les filtres à particules sont inefficaces« .

3. Les recommandations de la Cour des comptes

Pour la Cour des Comptes, il conviendrait de prendre en compte les émissions des véhicules en conditions réelles de conduite dans la classification Crit’Air. De même, elle suggère d’expérimenter l’affichage à la vente des émissions de CO2 et de polluants des véhicules en conditions réelles de conduite. Aujourd’hui, seules les émissions théoriques sont prises en compte.

Par ailleurs, elle recommande l’intégration d’autres paramètres liés aux émissions de polluants atmosphériques, dont le poids du véhicule, dans le malus automobile et les autres dispositifs d’aide au renouvellement. Si le gouvernement a rejeté jusqu’à maintenant le malus au poids, le rapport remet la question à l’ordre du jour. Ce dernier n’est pas prévu dans le Projet de loi de finances 2021, mais la Cour des Comptes souhaite que cela revienne dans le débat public.

Enfin, la Cour des Comptes incite à poursuivre le rééquilibrage de la fiscalité entre le diesel et l’essence (suspendu fin 2018) en application du principe « pollueur-payeur ».

4. Des mesures sectorielles

Outre la révision des mesures comme la vignette Crit’Air et le malus, dans ses préconisations d’amélioration de la politique environnementale, la Cour des Comptes souligne l’importance de mettre en œuvre des mesures réglementaires et/ou fiscales selon les secteurs : transports, résidentiel-tertiaire, industrie et agriculture.

Transport

La Cour des Comptes pointe le retard pris dans la limitation du trafic dans les zones urbaines denses pour lutter contre les émissions de NOx et de particules fines. Elle regrette le “dieselgate” en soulignant que le diesel n’est pas plus polluant que l’augmentation massive de l’utilisation du sans plomb depuis cette polémique. Elle recommande ainsi de poursuivre le rééquilibrage de la fiscalité entre le diesel et l’essence suspendu en 2018.

Il faut savoir que la France fait toujours partie des quatre pays présentant le plus fort taux de diésélisation de leur parc : “64%, contre 61% en Italie, 55% aux Pays-Bas, 49% en Allemagne, 28% au Japon et 20% environ aux USA ». Le rapport rappelle également que les émissions en conditions réelles de conduite représentent quatre à six fois les normes fixées, ce qui explique que les concentrations de NO2 en zone urbaines n’aient pas diminué à la mesure du renouvellement du parc automobile.

Par ailleurs, la Cour des Comptes regrette l’abandon de l’écotaxe poids lourds (suspendue en 2014) car elle fait ses preuves au-delà de nos frontières. La mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds a permis dans d’autres pays de reporter les transports routiers vers le rail, plus écologique.

Résidentiel

La Cour des Comptes met en avant la nécessité de limiter les émissions de particules fines liées au chauffage individuel au bois, le brûlage illégal de déchets verts et de poursuivre la modernisation du parc d’appareils de chauffage individuel. Il convient de faire un accompagnement individuel des ménages sur cette thématique.

 

Industrie

Les pollutions diffuses et accidentelles sont les principales causes de pollution. L’enjeu est  de mieux contrôler les émissions et de renforcer les sanctions qui sont, à ce jour, peu dissuasives. La Cour des comptes recommande une information massive aussi dans ce secteur.

Agriculture

La Cour des Comptes indique que si des solutions existent et sont mises en œuvre depuis de nombreuses années dans plusieurs pays européens, la prise de conscience de l’enjeu lié au NH3 (élevage et fertilisation minérale des cultures) a été trop tardive en France et que peu de mesures contraignantes sont actuellement mises en œuvre. La mesure des pesticides dans l’air ambiant reste un axe prioritaire.

 

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8 commentaires pour “Malus auto et vignette Crit’Air : mis à l’amende par la Cour des Comptes

  1. Comment l’automobiliste peut s’y retrouver avec tous ces avis sur la pollution qui changent sans arrêt ?
    On se croirait sur les plateaux télé avec tous ces scientifiques qui ont des avis contraires sur la conduite à tenir face au Covid 19 !
    Les véhicules électriques affichent toujours une autonomie bien au dessus des réalités et pour le reste bien en dessous de la vraie pollution essence ou diesel !
    Alors on fait quoi ?

  2. Mais que viens faire la Commission des Finances du Sénat dans la pollution des véhicules, qu’ils s’occupent en priorité des dépenses astronomiques du sénat. Pour ce qui est de la pollution, nous ne SOMMES PAS RESPONSABLES ! Si j’achète un véhicule, ce n’est pas moi qui le fabrique, le véritable pollueur c’est le constructeur ! Je ne demande pas mieux que d’acheter un véhicule marchant à l’eau ou à l’hydrogène. Si je pollue ce n’est que ce que mon corps produit. Les emballages plastiques, le carburant, je ne le FABRIQUE PAS ! je le subit !!! Alors messieurs les politicards, dites nous simplement nous n’avons plus d’argent alors payez. Ras le bol d’être la vache à lait, bientôt nous serons stériles…

  3. Même si il y a des progrès dans l’approche de la cour des comptes, nous sommes encore bien loin de l’action à mener en urgence. Les transports sont le point le plus noir, mais je constate que c’est surtout l’automobile qui est montrée du doigt alors que le transport maritime pollue énormément et que je m’abstiens volontairement de tout commentaire à propos de l’aérien. Bien évidemment je prends ma voiture tous les jours pour aller travailler depuis plus de 40 ans ! Je n’ai aucun moyen de pratiquer autrement. Alors ras-le-bol des leçons émanent de personnes qui vont au bureau, moi je fréquente les chantiers après avoir fréquenté les entreprises pendant 25 ans.

  4. Pourquoi parler du taux de diésélisation (20% seulement) du parc au USA ? Cela n’est absolument pas comparable au taux de diésélisation du parc en France. En effet, dans le processus de craquage du pétrole brut, toutes les raffinerie se retrouvent contraintes de produire de l’essence et du diesel. Or, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France envoyait aux États-Unis des tankers remplis d’une grande partie de l’essence produite dans ses raffineries, tandis que les États-Unis nous envoyait des tankers remplis de carburant diesel. Cela était logique puisque les industriels américains fabriquaient des moteurs essence de grosse à très grosse cylindrée pour des voitures très lourdes, alors que les industriels français tablaient sur des moteurs diesel de petite à moyenne cylindrée pour des voitures plus légères. Si la France continue d’opter pour une baisse de la consommation de carburant diesel, que ferons-nous de ce carburant qui continuera forcément à être produit dans nos raffineries ? Évidemment, si nous nous passons complètement, à l’avenir, de produits issus du pétrole, cela résoudra le problème. Une autre solution est de se débarrasser du problème en supprimant les quelques raffineries qui fonctionnent encore en France et en achetant à d’autres pays, parmi tous les produits dérivés du pétrole, uniquement ceux qui nous intéressent. Mais ce sera alors à ces autres pays de trouver un moyen d’écouler leur production de carburant diesel…

    1. Bonjour
      Je ne comprends pas pourquoi vous associez obligatoirement production en raffinerie de gasoil et essence ? les deux sont dissociables non ?
      Le degré de raffinage du gasoil est moins élevé pais n’est pas obligatoire dans les raffineries.
      Merci de nous expliquer.
      J C M

  5. Un gaz polluant est un gaz qui déséquilibre les échanges thermiques entre notre terre et l’espace qui nous entoure … : le CO2 est un capteur de chaleur, il est produit par la combustion de corps contenant du  » carbone « … Le méthane est 20 fois plus nocif que le CO2 , il est produit par la décomposition des végétaux …… L’essence brûle en donnant plus de CO2 que le diesel !!! POURQUOI l’ETAT favorise les moteurs essence ?

  6. Je suis mort de rire !!! On a mis de côté les bateaux porte conteneurs, les avions de transport, les engins agricoles, les chauffages d’immeubles, j’en passe et des meilleures..De plus on n’a pas prévu assez de bornes si tout le monde voulait passer à l’électrique, et ils ont fait l’ENA, Centrale, Les mines..Qui nous dirige?

  7. Si toute la France passait tous les véhicules à l’électrique du jour au lendemain, alors il nous faudrait deux fois plus de centrales nucléaires pour fournir la puissance nécessaire aux recharges et se soumettre définitivement à l’industrie chinoise pour la production des batteries au lithium.
    La seule voiture écologique demeure à ce jour, la voiture à pédales d’ailleurs excellente pour entretenir sa condition physique et faire faire des économies à la SéCu.
    Mais qui a dit que seuls les poux marchaient sur la tête ???

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