OBFCM _mouchard 2020

OBFCM : tout ce qu’il faut savoir sur le « mouchard » obligatoire sur toutes les voitures à partir de 2020

Depuis le 1er janvier 2020, tous les véhicules particuliers mais également tous les véhicules utilitaires légers neufs doivent obligatoirement embarquer un OBFCM. Le On-Board Fuel Consumption Meter (OBFCM), imposé par l’Union Européenne, est une véritable boîte noire pour votre voiture. Il est capable de capter des données en temps réel, notamment pour vérifier la conformité du véhicule avec le cycle WLTP. Mais ce mouchard n’est-il pas le signal du début d’une intrusion trop grande de la part du législateur ? Certains y voient, à terme, la possibilité de collecter les données sur la consommation de carburant… pour mieux taxer les automobilistes ! Mythe ou réel danger ? Explications.

Le calculateur de consommation obligatoire pour les véhicules neufs

Le On-Board fuel consumption meter, que l’on peut traduire par calculateur de consommation, est désormais obligatoire sur tous les véhicules neufs commercialisés en Europe depuis 1er janvier 2020. Une véritable révolution qui vient chambouler le domaine ? Pas exactement ! En effet, l’OBFCM fait déjà partie de l’équipement embarqué sur la plupart des voitures neuves. Depuis les dernières évolutions avec les normes Euro 6, entrées en vigueur en septembre 2019, l’OBFCM est obligatoire. Mais alors pourquoi la commission européenne a-t-elle imposé sa généralisation aux derniers modèles qui ne l’avaient pas encore ?

Officiellement, l’objectif est de pouvoir accumuler un nombre de données important sur la consommation réelle des véhicules. On le sait, les tests pour évaluer le niveau de consommation mais également la pollution des véhicules sont soumis à de nombreuses critiques. Alors, avec ces calculateurs embarqués, l’Europe compte obtenir des données en situation réelle pour pouvoir mieux les comparer aux chiffres annoncés par les constructeurs. L’idée est de pouvoir faire évoluer les normes dans le futur et d’adapter la législation en fonction des chiffres réels, et non des chiffres annoncés.

L’idée est bonne, et elle permet d’apporter un niveau de contrôle supplémentaire pour éviter les dérives que l’on a pu voir par le passé, avec des mensonges de la part de certains constructeurs. Selon une étude de l’International Council on Clean Transportation (ICCT), la consommation réelle de carburant des voitures neuves dépasse de 39 % la consommation indiquée par les constructeurs en condition d’essai[1]. Depuis 2001, l’écart entre les mesures officielles et la consommation réelle a quadruplé. Cette tromperie a un coût. En effet, l’ICCT indique que pour un conducteur moyen, cet écart entre la consommation annoncée et la consommation réelle entraîne un surcoût annuel de 400 € à la pompe.

Le fonctionnement de l’OBFCM

Le logiciel OBFCM enregistre la consommation de carburant du véhicule ainsi que la consommation d’énergie des voitures électriques ou des hybrides rechargeables. Les consommations d’énergie électrique et d’essence sont d’ailleurs dissociées dans les cas des voitures hybrides. Plus précisément, on peut retrouver parmi les données captées le débit de carburant et le volume consommé en fonction de la distance parcourue par le véhicule, la vitesse de déplacement ou encore la consommation totale de carburant depuis la fabrication du véhicule. Autant de données qui resteront en mémoire, et qui sont distinctes des données affichées par l’ordinateur de bord. Il ne sera en effet pas possible d’accéder à toutes ces informations par le système intégré dans la voiture. Seul un réparateur habilité ou une personne autorisée à manipuler les données pourra y accéder (lire ci-après les options de transmission de données qui sont actuellement à l’étude).

Et ensuite ? Si jusqu’à maintenant les données étaient stockées mais inexploitées (ou seulement pour un usage en interne chez chaque constructeur), elles devront désormais être communiquées aux autorités. Les constructeurs auront l’obligation à partir de 2021 de compiler les données avec précision, puis de les transmettre à la Commission européenne.

Comment se fera cette transmission ? Quelle est la solution technique qui permettra cette communication entre votre véhicule, le constructeur et ensuite l’Europe ? La procédure exacte pour le transfert, l’évaluation et l’utilisation des données OBFCM n’a pas encore été déterminée. Diverses options de transmission de données sont actuellement à l’étude.

  • Les données pourraient être récupérées et ensuite transférées aux autorités lors de la réalisation d’un contrôle technique. Le problème de cette méthode est l’écart de temps entre les phases de récupération des données. Si en France, un contrôle technique est obligatoire tous les deux ans, ce délai monte à quatre ans dans certains pays voisins.
  • À l’occasion de contrôles aléatoires, sur la route, les données pourraient être récupérées et ensuite confiées aux autorités. Qui se chargera de ces contrôles ? Les autorités policières, déjà surchargées, pourraient ne pas vraiment être d’accord avec cette nouvelle obligation. Surtout, les contrôles aléatoires ne permettraient pas de récupérer des données réellement représentatives de l’ensemble du parc en circulation.
  • Pour les flottes de véhicules, et notamment les sociétés de location de voiture, la collecte pourra se faire de manière centralisée, grâce à un logiciel de gestion qui capterait toutes les données du parc.
  • Enfin, un système automatisé sans fil de transmission directe depuis le véhicule est à l’étude.

On le voit, il reste encore à déterminer quelle solution technique servira de base pour le transfert des données. Une interrogation demeure également sur la publication des données qui seront captées par la Commission européenne. Sera-t-il possible d’accéder à un détail par modèle puis par variante, en fonction de la motorisation par exemple ? Les données seront-elles partagées avec les constructeurs pour qu’ils s’améliorent, et également publiées pour que le grand public puisse les consulter ? Nombreuses sont les questions. Les réponses devraient nous parvenir progressivement au cours de l’année.

Bientôt une taxe sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 ?

Si des écarts importants sont notés entre les chiffres annoncés par le constructeur et la consommation réelle d’un véhicule, quelles sont les conséquences à attendre ? Qui sera considéré comme responsable lorsqu’un véhicule circulera avec une consommation de carburant en fort décalage avec les chiffres prévus ?

Deux possibilités sont envisageables. Soit punir les constructeurs dont les valeurs d’homologation sont trop éloignées de la réalité, soit punir les conducteurs sur la base de leur consommation de carburant.

On le voit, avec ces nouvelles données collectées, non seulement les constructeurs pourraient être tenus responsables d’une consommation excessive (si celle-ci est généralisée), mais les conducteurs pourraient également être contraints de conduire de manière économique en cas de surconsommation à leur échelle. L’Association environnementale allemande (Deutsche Umwelthilfe, DUH) souhaite que les propriétaires de véhicules aient accès aux données afin de faire valoir leurs droits sur les constructeurs en cas de surconsommation excessive.

Bien que cette idée ne soit pas à l’ordre du jour pour le moment, l’introduction d’une taxation de la consommation de CO2 serait envisageable. Cet OBFCM sera peut-être demain l’espion qui, kilomètre après kilomètre, indiquera aux autorités si vous êtes ou non un as de l’éco conduite. Avoir une conduite « sportive » serait alors puni d’une taxe.

On peut imaginer la réaction que nous adopterions. Il deviendrait presque indispensable de se référer à la valeur instantanée ou moyenne de la consommation indiquée avec l’ordinateur de bord pour suivre en direct nos performances. Mieux, les recommandations pour le moment opportun auquel il faut changer de vitesse devraient être suivies scrupuleusement pour ne pas être taxé de mauvais conducteur. Nous grossissons volontairement le trait, mais ce petit mouchard est bien une porte ouverte à une surveillance accrue de notre comportement au volant.

Les conducteurs des véhicules hybrides rechargeables en particulier pourraient être touchés. En effet, le système peut calculer l’impact d’une absence de recharge électrique sur la consommation du véhicule. Si vous ne faites pas l’effort de brancher votre hybride lorsque vous le pouvez, votre consommation sera en hausse… et cela pourrait entraîner une sanction ?

Les automobilistes qui conduisent de manière particulièrement économique seraient alors exonérés de taxes, tandis que les conducteurs qui consomment beaucoup de carburant devraient payer plus. Encore une fois, il est important de le répéter, la généralisation de l’OBFCM n’est pour le moment pas liée à l’introduction d’une taxe en matière de consommation de carburant.

La généralisation des OBFCM et la récupération des données sera lancée en 2021 et jusqu’en 2026. Il s’agira d’une période d’essai. Puis, d’ici 2030 au plus tard, la Commission européenne va devoir produire une loi concrète pour minimiser les écarts et sanctionner les constructeurs si l’écart est encore trop important.

[1] https://theicct.org/sites/default/files/L2R17_ICCT-fact-sheet_EN_vF.pdf

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