Le passage de la vitesse maximale sur le réseau secondaire à 80 km/h est-il une bonne chose ? Cette évolution a-t-elle permis – depuis le 1er juillet 2018, date d’entrée en vigueur des 80 km/h – de sauver des vies ? La réponse n’est pas si simple. Le sujet divise les « pro » et les « anti » 80 km/h, alors que les effets réels de cette baisse de la vitesse sont difficiles à maîtriser.
Une interprétation trop hâtive des chiffres par le gouvernement ?
Les chiffres produits par l’Observatoire national interministériel sur la Sécurité routière (ONISR) – placé auprès du délégué interministériel à la sécurité routière – font état depuis la mise en place des 80 km/h d’une baisse de la mortalité sur nos routes. C’est un fait. Entre le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019, 3 239 ont perdu la vie sur nos routes. Sur la même période une année plus tôt, du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, on notait 3 344 décès. Voilà qui signifie une légère baisse (105 personnes tuées en moins), difficile à attribuer seulement à la baisse de la limitation de vitesse sur le réseau secondaire seulement. Et c’est ici que la polémique commence. La Délégation à la Sécurité routière (DSR) a comparé le nouveau chiffre de la mortalité à une moyenne sur les dernières années, ce qui vient « gonfler » la baisse de la mortalité à 206 vies sauvées. Pourquoi ? Car en réalité, entre 2016 et 2017, sans aucune action sur la limitation de vitesse, le recul du nombre de morts était plus fort (185 morts en moins) qu’entre 2018 et 2019, avec l’abaissement de la vitesse.
Le gouvernement veut-il alourdir le bilan de la mortalité routière avant la généralisation des 80 km/h, afin de rendre plus nette la baisse enregistrée depuis l’été 2018 et justifier son choix ? C’est ce que dénoncent notamment le Comité indépendant d’évaluation des 80 km/h (CIE) et l’association « 40 Millions d’Automobilistes ». Surtout, en valorisant cette baisse et en l’attribuant majoritairement à la baisse de la vitesse sur le réseau secondaire, l’administration oublie un peu vite d’autres facteurs pourtant essentiels sur la fin d’année 2018 et le début d’année 2019. Les dégradations nombreuses de radars automatiques – dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes » – ont largement impacté leur action. Pourtant, le nombre de morts recule. Les radars automatiques n’ont-ils donc aucune influence sur la mortalité ?
Un retour à 90 km/h ?
Geste d’ouverture symbolique ou véritable prise de conscience, le gouvernement a annoncé la possibilité donnée aux départements de revoir à la hausse la limite de vitesse sur leur réseau secondaire, et ainsi permettre un retour à 90 km/h. Mais, le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) pose des conditions drastiques pour une telle évolution. Un document détaille, en six étapes, toutes les études à réaliser et les précautions à prendre afin de « limiter les risques d’accident sur les portions relevées à 90 km/h ». Pour y parvenir, c’est un peu le parcours du combattant. Il faut notamment identifier des portions de route ne traversant aucune agglomération sur au moins 10 kilomètres… impossible ou presque dans notre pays aux 36 000 communes.
« Les départements doivent disposer de données locales précises et objectives pour décider sereinement de la sécurité sur leurs routes explique l’association 40 Millions d’Automobilistes sur son site internet. Les conseils départementaux, pour décider des vitesses maximales les plus appropriées au réseau dont ils ont la charge, devront disposer d’éléments incontestables leur permettant de vérifier de façon fine et fiable l’efficacité réelle de la limitation à 80 km/h pendant l’année écoulée. Surtout dès lors que certains responsables nationaux menacent de faire porter sur les épaules des élus la responsabilité de tout accident qui se produirait à l’avenir sur les routes revenues à 90 km/h, indépendamment de ses causes ».
Bataille de chiffre et bataille de vision, le sujet de la limitation de la vitesse à 80 km/h continue de faire débat.